TOLA ?

[Ion]

Un petit sujet qui m'intrigue.

J'ai lu et relu les passages de la BD qui tournent autour de ce personnage, de Georges Spad et de son "invisible".
J'ai fait quelques recherches sur le véritable Rotblat, pour en savoir un peu plus sur son rôle historique...

Mais finalement, je reste sur ma faim. de nombreuses séquences sont consacrées à l'énigme Tola Alto Lato ... mais la réponse, il me semble est quelque peu décevante.

Les voix de Georges lui sont inspirées par l'Hypermonde, mais pourtant, rien ne suggère que Tola Rotblat puisse avoir une résonance particulière dans l'Hypermonde, pas plus que dans l'histoire réelle d'ailleurs.

Alors ?

Une manière de s'attacher à l'insignifiant, comme la chose la plus importante qui soit ?
"Une vie ne vaut rien, mais rien ne vaut une vie" ?

Je ne vois que ça, par défaut, mais sans être ni très convaincu, ni emballé.

[Rom1]

En fait, tel que je le comprends, ce n'est pas Tola Rotblat l'important. C'est le fait que George Spad se retrouve à cet endroit, à ce moment - pour connaître le funeste destin qui est le sien.
C'est le côté fataliste de la BD, l'Hypermonde qui bascule vers l'anti-être, le personnage quasiment le plus pur de l'histoire qui termine de la plus atroce des façons - parce que son héroïsme l'y a menée, parce qu'elle n'a pas renoncé à son idéal (contrairement à ce qu'on nous montre du Nyctalope par ex). On nous montre ainsi que oui, bcp des héros qui s'élevèrent contre les extrémismes ont mal fini (les résistants, Jean Moulin...) mais qu'ils n'ont pas abdiqué pour autant, malgré les risques.

Sur le plan symbolique, Spad représente le merveilleux-scientifique en tant qu'auteure de romans populaires sur les surhommes. Et sa mort dans la gueule de l'anti-être, Auschwitz, est l'explication de la fin de ce courant littéraire : brûlé par les feux de la seconde guerre mondiale.

[Ion]

oui, il est vrai que je me suis surtout focalisé sur Tola, et pas sur Georges Spad.
Du coup TOla ne serait qu'un "prétexte" pour mettre en lumière l'héroïsme des gens ordinaires, et à la fois la disparition symbolique d'un courant littéraire...

explication intéressante. Mais tout de même "si ce n'est pas Tola Rotblat l'important", pourquoi l'Hypermonde en connexion directe avec Georges Spad lui répète-t-il à l'envie cet anagramme ? C'est tout de même un des grands mystère de la première partie de l'histoire, et à la révélation, non seulement ce n'est pas connecté à l'intrigue principale, et en plus... c'est beaucoup d'encre pour un personnage plus que mineur de la BD.

[Rom1]

Ouhlà, si pour toi Spad est un personnage mineur ! Bien au contraire, elle représente énormément de choses.

Après, comme souvent avec la Brigade chimérique : il faut chercher dans le symbolisme plus que dans l'interprétation premier degré. Si Spad a TOLA en tête, c'est que tout doit l'y conduire. Rappelons que ses "pouvoirs" ont pour origine l'explosion qui donna naissance à la Phalange - soit un 'accident' superscientifique causé par le déséquilibre du plasme. Son Invisible est donc forcément une entité négative, une facette de l'anti-être qui cherche à la mener à sa perte (elle et tout ce qu'elle incarne : l'imaginaire merveilleux-scientifique, la libération de la femme, le surréalisme, la républicanisme, etc.).
La mort de Spad est totalement connectée à l'intrigue principale, en réalité. Puisque la Brigade chimérique ne nous parle que d'une chose : la fin de l'imaginaire superscientifique européen d'avant-guerre. Or, elle qui représente ce courant littéraire meurt bien dans les camps - là où l'idéologie nazie a perverti le concept de surhomme en Europe pour des décennies. Rappelons que Régis Messac, écrivain de SF et fondateur de la première maison d'édition spécialisée dans le genre au monde (les Hypermondes, tiens tiens...), a été déporté et est mort dans un camp.

Bref, là où l'épilogue nous montre de façon littérale ce que sont devenus les surhommes européens (ils fuient aux USA dans le sillage du Golem, pour y donner naissance aux super-héros américains), la fin de Spad illustre plus symboliquement leur disparition - sans auteurs, sans imaginaire scientifique, la SF européenne était condamnée à mourir et c'est le fascisme qui en a eu raison.

[Ion]

je n'ai peut être pas été clair, je n'ai pas écrit que SPAD est un perso mineur, mais que TOLA est un personnage mineur

Le Mystère de l'anagramme Tola trouve sa réponse après un suspense assez intense, et finalement... Tola n'est qu'une anonyme de plus dans l'enfer de la déportation. Son destin personnel n'a pas de retentissement ou d'impact sur l'ensemble de l'histoire, ni de l'Histoire.

Je m'attendais à quelque chose de plus gros, de plus important, de plus crucial.

(en revanche, concernant SPad, ton interprétation sur le symbole littéraire qu'elle représente me semble très intéressante)

[Rom1]

Tola n'est qu'une anonyme de plus dans l'enfer de la déportation. Son destin personnel n'a pas de retentissement ou d'impact sur l'ensemble de l'histoire, ni de l'Histoire.

Si, dans la mesure où justement son existence entraîne la mort de Spad - et donc de ce qu'elle incarne. Elle n'est certes qu'un jalon dans la quête de la belle auteure, mais c'est le point terminal dans tous les sens du terme.
Et si on va plus loin sur cette piste : n'oublions pas que son mari fit partie du Projet Manhattan et fut donc partiellement l'inventeur de la bombe atomique. On peut imaginer qu'il s'est joint à cette équipe dans un esprit de vengeance après ce qui arriva à son épouse, contribuant à forger l'arme ultime qui annihila le positivisme scientifique de l'époque (la bombe nucléaire, c'est la mort des lendemains heureux en quelque sorte) et donna naissance à l'ère atomique - qui fut le terreau sur lequel poussa la SF américaine.
De là, symboliquement, la mort de Tola ne me semble pas si anonyme / anodine que cela : non seulement elle entraîne la mort du merveilleux-scientifique, mais indirectement elle contribue à la naissance du courant littéraire qui le remplaça.

N'oublions pas qu'ici, on parle d'une BD scénarisée par Serge Lehman. Un auteur d'une culture et d'une intelligence rares, qui ne laisse rien au hasard.

[Ion]

Sans doute, mais là tout de même ça va chercher loin. le Physicien Rotblat n'a eu -il me semble- qu'un rôle mineur dans la conception de la bombe, en tout cas pas prépondérant. Quant aux premiers surhommes américains, leur lien avec l'arme atomique ne me saute pas aux yeux, même si je le reconnais je suis loin d'être un spécialiste en la matière.
Concernant la culture et les références de l'auteur, qui sont parfois peu accessibles pour quelqu'un qui comme moi n'a pas étudié de près cette période de la littérature, je regrette qu'il n'ait pas poursuivi le travail de dissection qu'il avait fait pour le tome 1 sur son site dédié à la Brigade.
Toutes les références, replacées dans leur contexte, page par page, permettaient de bien saisir toute la profondeur et la richesse de l'histoire.

[Rom1]

Sans doute, mais là tout de même ça va chercher loin.

C'est bien pour ça que c'est une BD passionnante !

Quant aux premiers surhommes américains, leur lien avec l'arme atomique ne me saute pas aux yeux, même si je le reconnais je suis loin d'être un spécialiste en la matière.

Peut-être pas les premiers si on parle de Batman ou Superman, mais la vague du silver age :
- Les X-Men surnommés les Children of the Atom et qui doivent leur mutation aux radiations.
- Spiderman mordu par une araignée radioactive.
- Hulk et la "bombe gamma".
Et je parle aussi de la SF américain, qui fut très friande de la technologie atomique.

[Ion]

Effectivement, X-men, Hulk, et Spidey sont des exemples convaincants. j'avais pas vu si loin, me limitant aux exemples 40's, mais ça fait sens!

[captain_gregoo]

merci pour ce débat, c'est super interessant, c'est quel'on découvre la richesse caxhé de l'univers de brigade